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« Zéro sans solution » : Le devoir collectif de permettre un parcours de vie sans rupture, pour les personnes en situation de ha

L'introduction du rapport dirigé par Denis Piveteau (en 2014) dit bien l'objectif :
"N’avoir plus aucune solution d’accompagnement, pour une personne en situation de handicap dont le comportement est trop violemment instable ou le handicap trop lourd, et dont en conséquence « personne ne veut plus », c’est inadmissible et cela se produit.
La mission confiée aux auteurs de ce rapport était de proposer des réponses. Très vite il est apparu que, même si ces situations sont heureusement très minoritaires, la mise en place d’un dispositif particulier n’était pas la bonne voie.
Tout simplement parce que l’objectif n’est pas de traiter le mal mais, autant que possible, d’éviter qu’il survienne. En d’autres termes : de s’organiser, non pas seulement pour bricoler des solutions au coup-par-coup, mais pour être collectivement en capacité de garantir que cela n’arrivera plus. Travailler, en somme, à tenir l’engagement d’un « zéro sans solution ».
Cela change tout. Parce que sont alors concernés la grande majorité des établissements et des services, un très grand nombre de situations de vie avec un handicap, et tous les partenaires de l’accompagnement, bien au-delà du seul champ médico-social. Objectif ambitieux, mais qui est atteignable, aussi fortes que soient les contraintes budgétaires. Il consiste tout simplement à renouer avec le sens de tout travail soignant et social : ne jamais laisser personne au bord du chemin. "

Un grand intérêt de l'analyse est la remise en cause de la notion de "troubles du comportement", "paraissant introduire une liaison causale directe avec la déficience à l’origine du handicap".
Plutôt que de les percevoir comme "intrinsèquement liées à tels ou tels troubles, handicap ou maladie", il s'agit de les appréhender comme des formes de commnication : "il peut tout simplement s’agir – et il s’agit sans doute très souvent – de l’expression d’une émotion, d’une attente ou d’une demande parfaitement normale, ou d’une douleur parfaitement explicable, que la personne ne parvient pas à exprimer et qui doivent être considérées en tant que telles".

La régulation judiciaire (imposer un accueil) ne peut avoir que des effets très limités : "La condamnation financière ou l’injonction à agir ne peuvent viser que des personnes publiques. Or les ruptures de parcours trouvent leur origine dans des situations où beaucoup de tensions s’enchevêtrent.
C’est le cas notamment des situations dans lesquelles certains salariés, parce qu’ils ont été victimes de gestes violents, rappellent au directeur d’établissement son obligation d’assurer la sécurité sur les lieux de travail et menacent d’exercer leur droit de retrait (article L.4131-1 du code du travail).
C’est aussi, hélas, le cas de situations dans lesquelles des conflits s’installent entre résidents – ou entre les entourages familiaux des différents résidents – à partir, là encore, de comportements violents entre résidents".
"En somme, si le contentieux peut servir d’aiguillon à l’action administrative, l’enjeu est de faire en sorte qu’il ait, à l’avenir, le moins de raisons possibles de se nourrir. Et donc : se fixer pour but de mettre vraiment et absolument un terme aux événements de rupture brutale dans la vie des personnes en situation de handicap et de leurs familles".
D'où cette idée forte : "Le seul but qui ait collectivement du sens, c’est le « zéro sans solution » : avoir toujours, pour chacune et chacun, une « réponse accompagnée »."

Plutôt qu'une évaluation quantitative très incertaine, la préférence a été donné à une analyse qualitative : "Un questionnaire, auquel il a été très largement répondu par les participants aux « groupes de travail » de la mission, a permis d’identifier les traits caractéristiques qu’illustrent bien les récits" du rapport.
Les trois situations présentées présentent un point commun : "Reviennent très souvent des défauts de précocité dans les diagnostics et dans la mise en place d’un accompagnement, même minimal. Ces retards ou ces erreurs initiales se paient souvent très cher."
D'autre part, "Dans tous les parcours de vie marqués par des ruptures reviennent des périodes, plus ou moins longues, d’inscription durable sur plusieurs « listes d’attentes », souvent dépourvues de toute solution alternative d’accompagnement et de soutien. Avec comme conséquence fréquente l’usure lente du milieu familial, parents et fratrie, dans lequel un conjoint – lorsque les deux parents sont encore là – est souvent amené à réduire voire cesser son activité professionnelle. Cette absence totale de réponse à un moment donné de la vie – parfois en raison d’une carence d’offre très localisée sur des âges charnières – est souvent le point de départ d’aggravations difficiles à redresser."
Le constat suivant est à la base de nombreuses propositions : ces situations "disent la solitude de tous, face aux multiples renvois de responsabilité."
"De manière générale, les parcours de vie qui connaissent ou qui frôlent les grandes ruptures sont en permanence sous-tendus, pour les familles, par la précarité des situations et l’incertitude du lendemain. D’où une demande de solutions institutionnelles qui est parfois surdéterminée par le souci de sécuriser l’avenir. La solitude est aussi celle du milieu professionnel et d’équipes confrontées, comme en vase clos, à des situations qu’elles ne sont pas du tout outillées pour gérer. En conséquence de quoi, par peur d’avoir à gérer seuls des situations difficiles, ou à la suite de telles expériences, de nombreux établissements adoptent des politiques d’admission excessivement prudentes. Une forme de solitude n’est pas absente enfin, avec sa cause et son corollaire qui est le renvoi de responsabilité, des relations entre autorités administratives."

"Un service public « accompagnant » à l’égard des situations de fragilité doit assurer :

  • Une fonction de vigilance, qui consiste à savoir prendre l’initiative, à ne pas attendre l’urgence ou le dernier moment. Etre en somme, vis-à-vis de la personne fragile, dans une attitude de proposition créative.
  • Une fonction de coordination, qui consiste à soulager l’usager, lorsqu’il est en situation fragile ou « complexe », de tout ou partie de la gestion cohérente des multiples intervenants éducatifs, sociaux et soignants qui s’adressent à lui. Dans son intérêt d’abord, mais aussi dans un but d’efficience de l’action collective. C’est une fonction qui peut aller jusqu’à la « gestion de cas ».
  • Et doit enfin, sinon assurer lui-même, du moins s’assurer de l’existence d’une fonction de soutien ou de « renforcement des capacités » - traductions imparfaites du mot « empowerment » - qui consiste à élever le niveau de choix, d’influence et de contrôle que peut avoir l’usager fragile sur les événements de sa vie et ses rapports avec les autres. On emploie aussi, avec des nuances dans lesquelles il n’y a pas lieu d’entrer ici, les termes d’« advocacy » (plaidoyer) ou de « coaching »."
Raisonner en termes de parcours suppose de repenser la question de l'orientation : "L’orientation ne doit pas être un moment aux mains de quelques spécialistes, mais un processus permanent et collectif".

Lire la synthèse du rapport

Une intervention de Denis Piveteau dans le colloque "Ensemble, construisons des parcours avec et pour les personnes en situation de handicap : enjeux, freins et leviers", qui s'est déroulé à l'Hôtel du Département du Bas-Rhin, le 21 janvier 2020.

Pour en savoir plus, voir le site web : solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Zero_sans_solution_.pdf

Date de cet article : 2015-10-14


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