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Enseignement supérieur : un accès inégal selon le revenu des parents

Rapport de Cécile Bonneau et Sébastien Grobon pour le Conseil d’analyse économique (CAE), Focus N° 76, décembre 2021.

Ce rapport illustre une tendance forte des politiques publiques : mettre plus de moyens pour les jeunes les plus aidés par leur famille. L'exemple de l'enseignement supérieur en est l'illustration.

Extrait : « L’égal accès à l’enseignement supérieur est au fondement du principe méritocratique, selon lequel l’accès aux différentes positions dans la société dépend du mérite de chacun et non de leur origine sociale. La formation reçue dans le supérieur influence les chances de mobilité sociale et donc les inégalités intergénérationnelles. Malgré une démocratisation quantitative, le nombre d’étudiants ayant été multiplié par huit en France depuis les années 1960 (MENESR-DEPP, 2021), de fortes inégalités d’accès à l’enseignement supérieur persistent selon la profession des parents et leur diplôme.

L’accès aux études : près de trois fois plus fréquent chez les jeunes de milieu aisé que chez ceux dont les parents sont les plus modestes La proportion de jeunes dans l'enseignement supérieur croît fortement avec le revenu des parents (graphique 1), particulièrement dans la seconde moitié de la distribution des revenus. Elle est sensiblement plus élevée au sein du dernier décile de revenu. Environ 35 % des jeunes de 18 à 24 ans dont les parents appartiennent aux 20 % les moins aisés (premier et deuxième déciles de revenu) sont en études, diplômés du supérieur, ou ont atteint un niveau d’enseignement supérieur, contre près du triple parmi les 10 % les plus aisés : près de 90 % des jeunes dont les parents appartiennent au dernier décile (P90-P100) ont accès à l’enseignement supérieur entre 18 et 24 ans.

Les inégalités selon le revenu des parents se cumulent avec celles selon le diplôme et la profession
« Suite aux travaux pionniers de Bourdieu et Passeron (1964), les littératures sociologiques et économiques se sont intéressées aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et à leurs évolutions. Certains travaux ont documenté une réduction des inégalités éducatives, avec un affaiblissement du lien entre origine sociale et destinée scolaire entre les générations nées au début du XXe siècle et celles nées dans les années 1970 à 1980 (Thélot et Vallet, 2000 ; Falcon et Bataille, 2018). Si une massification dans l’accès à l’enseignement supérieur s’est opérée au cours des cinquante dernières années, certains auteurs nuancent néanmoins ce constat en parlant de « démocratisation quantitative » (Prost, 1986) ou de « démocratisation uniforme » (Goux et Maurin, 1997), pour désigner le fait que les inégalités se sont simplement déplacées vers des niveaux de diplôme plus élevés ou des formations plus sélectives. De nombreuses études ont en effet conduit à relativiser le constat de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, l’accès aux formations sélectives et notamment aux grandes écoles restant très inégalitaire (Duru-Bellat et Kieffer, 2000 ; Albouy et Wanecq, 2003 ; Bonneau et al., 2021) ».

L’accès très inégal contribue fortement à la régressivité des dépenses d’enseignement supérieur
Les fortes inégalités d’accès à l’enseignement supérieur selon le revenu des parents présentées plus haut impliquent mécaniquement des dépenses liées au coût des études plus élevées pour les jeunes dont les parents sont aisés, dépenses qui sont en grandes parties publiques en France. La régressivité des dépenses publiques totales d’enseignement supérieur sur le parcours des jeunes est notable, avec des dépenses publiques plus de deux fois plus importantes pour les jeunes de milieux aisés : près de 20 000 euros sur six ans, contre moins de 10 000 euros pour les plus modestes.

Les prestations sociales et fiscales sont faiblement redistributives, et les dépenses publiques inégales en faveur des jeunes se doublent de fortes inégalités de transferts familiaux
Les transferts sociaux versés par l’État aux jeunes adultes et aux parents(7) sont notamment conçus pour aider à couvrir le coût des études, les difficultés rencontrées par les jeunes actifs sur le marché du travail ou plus largement à compenser partiellement le coût d’un enfant. Ces prestations sociales et familiales sont bien ciblées sur les plus modestes (lignes grise et bleue continue du graphique 7), mais les ménages aisés bénéficient davantage des déductions fiscales qui sont d’autant plus importantes que le revenu parental est élevé. L’ensemble des aides sociales et fiscales pour les jeunes adultes et leurs parents présentent donc un profil légèrement en U avec des aides supérieures à 14 000 euros sur six ans pour les individus appartenant aux 40 % du bas et aux 10 % du haut de la distribution des revenus et des aides légèrement plus faibles au milieu de la distribution des revenus.

Conclusion
L’étude montre que les inégalités d’accès aux études supérieures sont comparables en France et aux Etats-Unis.
« L’enjeu est important car ces inégalités contribuent vraisemblablement à expliquer le faible niveau de mobilité sociale en France, malgré des frais d’inscription limités et des inégalités de revenu relativement plus faibles que dans d’autres pays développés. Ces inégalités d’accès participent à une régressivité des dépenses publiques envers les jeunes adultes, et se cumulent avec de fortes inégalités de transferts privés pour donner lieu à de considérables différences d’investissement en capital humain selon le revenu des parents ».

Pour en savoir plus, voir le site web : www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus076.pdf

Date de cet article : 2022-01-02


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