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Fiche de lecture sur
Le rapport Morange (2008) : Une description des établissements et services sociaux et médico-sociaux

par Philippe Fabry


Rapport par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux, présenté par M. Pierre Morange, député.

L'introduction situe le contexte législatif très chargé du secteur social et médico-social (trois lois successives (2001, 2002, 2004), et deux projets de lois qui font la "navette" entre les deux assemblées) qu'il partage en cinq champs :
  1. l'enfance et l'adolescence en difficulté sociale
  2. la lutte contre la détresse sociale à travers les centres d'hébergement et de réinsertion sociale
  3. le handicap
  4. la vieillesse
  5. la question de la dépendance.
La distinction opérée entre "services" et établissements" se réfère aux travaux d'Amédée Thévenet (L'équipement social et médico-social de la France, Presses universitaires de France, collection « Que sais-je », avril 1994), pour qui il s'agit de « soutenir, aider, héberger les personnes en difficulté familiale, sociales, physiques, sensorielles ou mentale. Il existe des services intervenant à leur domicile, et des établissements, c'est-à-dire « des toits et des murs » pour héberger (personnes âgées...), rééduquer (déficients intellectuels), accueillir (enfants en difficulté), protéger et insérer socialement (personnes en situation d'exclusion). Plus d'un million de personnes bénéficient en France de tels équipements. Financés essentiellement par les collectivités publiques ou les organismes de sécurité sociale, ils sont gérés par des personnes morales de droit public ou de droit privé (associations). Ils sont animés par plusieurs centaines de milliers d'éducateurs et de travailleurs sociaux, de médecins, d'infirmières et d'aides soignantes, mais aussi de bénévoles... ». Nous retrouvons les cinq champs, avec cinq types de personnes : "les personnes en difficulté familiale, sociales, physiques, sensorielles".

Le rapport s'attache en premier lieu à définir les contours du secteur social et médico-social, les principaux apports de la loi du 2 janvier 2002. C'est à partir de cette loi qu'est définie la mission du secteur social et médico-social : "L'action sociale et médico-sociale tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l'autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l'exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature. Elle est mise en oeuvre par l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et médico-sociales au sens de l'article L. 311-1 ».
Sont présentés ensuite les différents établissements et services. Le tableau suivant est intéressant pour les étudiants, particulièrement pour les étudiants de première année, car il permet de repèrer l'intitulé des structures, leur financement, quelles sont les tutelles concernées.

Nomenclature :

Article L. 312-1

Intitulé des établissements
et des services

Financement

Champ de compétence

I -1°

Etablissements de l'aide sociale à l'enfance

Aide sociale

Département

I - 2°

Etablissements de l'enfance handicapée et inadaptée :

Centres médico-psycho-pédagogiques, instituts médico-éducatifs, médico-pédagogiques, médico-professionnels, instituts de rééducation,

Services d'éducation spécialisée et de soins à domicile

Assurance maladie

Etat

I - 3°

Centres d'action médico-sociale précoce

80 % assurance maladie

20 % aide sociale

Etat-département

I - 4°

Etablissements de la protection judiciaire de la jeunesse

Etat

Etat ou Etat-département

I - 5

Centres d'aide par le travail

Etat

Etat

Centres de rééducation professionnelle

Centre d'orientation professionnelle

Assurance maladie - Etat

Etat

I - 6°

Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Assurance maladie - aide sociale- allocation personnalisée d'autonomie

Etat-Département

Etablissements d'hébergement pour personnes âgées, foyers-logements

Aide sociale éventuelle

Département

Service de soins infirmiers à domicile

Assurance maladie

Etat

Services de soins, d'aide et d'accompagnement

Assurance maladie - aide sociale

Etat-département

Services d'aide à domicile

Aide sociale -caisses de retraite (action sociale facultative)

Agrément : préfet

I - 7°

Foyers d'accueil ou occupationnels

Aide sociale

Département

Foyers d'accueils médicalisés

Aide sociale - assurance maladie

Etat-département

Maisons d'accueil spécialisées

Assurance maladie

Etat

Services de soins, d'aide et d'accompagnement

Assurance maladie - aide sociale

Etat - département

Service d'auxiliaires de vie

Etat -aide sociale

Etat-département

I - 8°

Centres d'hébergement et de réinsertion sociale et notamment centres d'aide par la vie active, accueils de jour (boutiques de solidarité ...), veille sociale (SAMU sociaux, équipes mobiles, téléphonie sociale « 115 », services d'accueil et d'orientation)

Etat + contribution le cas échéant des communes et de l'aide sociale départementale

Etat (en partenariat le cas échéant avec le département et les communes)

I - 9°

Centres d'accueil pour toxicomanes

Etat

Etat

Centres d'accueil pour alcooliques

Assurance maladie

Etat

Appartements de coordination thérapeutique (VIH, maladies chroniques)

Assurance maladie

Etat

Autres structures à ce jour non répertoriées

-

-

I - 10 °

Foyers de jeunes travailleurs

Etat-aide sociale -caisse d'allocations familiales

Etat (conventionnement aide personnalisée au logement, code de la construction et de l'habitation)

I - 11 °

Centres de ressources :

handicap rare, autisme, traumatisme crânien

maladie d'Alzheimer

Assurance maladie

Etat

Autres (centres locaux d'information et de coordination...)

Assurance maladie

Etat

I - 12 °

Structures expérimentales dérogeant aux articles L. 162-31 et L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale : possibilité de décisions déconcentrées et/ou décentralisées

Toutes possibilités

Selon les cas : Etat ou département ou Etat-département

III

Lieux de vie non traditionnels

Aide sociale (principalement)

Selon les cas : Etat ou département ou Etat- département

La loi 2002.2 est résumée et les schémas d'organisation qui en découlent sont présentés avec l'intitulé des différentes instances (CNOSS, CROSS, CROSMS...).

Le chapitre II.- L'ENFANCE ET L'ADOLESCENCE EN DIFFICULTÉ SOCIALE : UNE SITUATION AGGRAVÉE, donne beaucoup d'informations, de chiffres sur les aides à domiciles, les enfants et adolescents confiés à l'ASE, et les mesures judiciaires.



Le chapitre III.- LA LUTTE CONTRE LA DÉTRESSE SOCIALE : LES CENTRES D'HÉBERGEMENT ET DE RÉINSERTION SOCIALE présente tout d'abord un rapide historique du secteur et décrit les CHRS et l'évolution sociologique des personnes accueillies (notamment le fait qu'il y a de plus de plus d'enfants accueillis avec leur(s) parent(s).

Le chapitre IV.- LE HANDICAP : LES PERSPECTIVES DE LA RÉFORME EN COURS énumère les populations de jeunes et d'adultes handicapés en fonction de la prévalence de leurs déficiences. Les différentes structures, le nombre de places sont présentés, avec un accent mis sur la découverte de l'importance du nombre d'enfants autistes, sous-estimé jusque-là. Lire à cet égard le rapport de Jean-François Chossy (qui propose les chiffres suivants : pour un taux de prévalence de 4 à 5 et jusqu'à 6 pour 10 000 dans l'autisme sévère, 6 200 à 8 000 enfants seraient autistes en France), cf. La situation des personnes autistes en France.

À noter dans le chapitre V.- LA VIEILLESSE : DES PROGRÈS À CONFIRMER, le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunstler (du 1er octobre 1999) « Vieillir en France : pour une prise en charge plus juste et plus solidaire des personnes âgées en perte d'autonomie ». Ce rapport a inspiré la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie et à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). À noter à ce sujet la critique du Conseil économique et social, citée dans ce rapport : « en utilisant les termes de dépendance ou de perte d'autonomie, les législations successives ont appréhendé les personnes bénéficiaires de ces aides sociales (PSD puis APA) de façon statique. Le caractère inéluctable de ces états est par ailleurs consacré par la méthode selon laquelle ils sont reconnus. Ainsi, l'évaluation de l'état des personnes, nécessitant un aménagement de leur environnement pour vivre normalement, prend avant tout en compte les déficits biologiques dont elles souffrent. Les outils d'évaluation contribuent également à exclure une partie de la population de la vie sociale ».
Les chiffres présentés dans les chapitres sur la vieillesse et sur la dépendance montrent l'importance de l'enquête HID (enquête de l'INSEE en 1998 et 1999).

Pour compléter la présentation de la grille AGGIR faite dans ce rapport : "l’outil AGGIR permet d'évaluer la perte d'autonomie à partir du constat des activités effectuées ou non par la personne. Son remplissage exclut tout ce que font les aidants et/ou les soignants, afin de mesurer seulement ce que fait la personne âgée. En revanche, les aides matérielles et techniques sont considérées comme faisant partie de la personne : lunettes, prothèses auditives, fauteuil roulant, poche de colostomie...
La grille AGGIR comporte 10 variables dites discriminantes, se rapportant à la perte d'autonomie physique et psychique, et 7 variables dites illustratives, se rapportant à la perte d'autonomie domestique et sociale.
Chaque variable possède trois modalités :

  • A : fait seul, totalement, habituellement et correctement
  • B : fait partiellement, ou non habituellement ou non correctement
  • C : ne fait pas.
"Habituellement" est la référence au temps.
"Correctement" est la référence à l'environnement conforme aux usages.
La notion "seule" correspond à : "fait spontanément seul". Elle suppose qu'il n'est besoin ni d'incitation ni d'une stimulation de la part d'un tiers.
Ces variables permettent une différenciation très nette des individus selon trois modalités : forte perte d'autonomie, perte d'autonomie partielle et pas de perte d'autonomie."

Pour en savoir plus, voir Guide de remplissage de la grille AGGIR.

À noter la critique de Pascal Terrasse : « La grille AGGIR présente au moins deux défauts majeurs : elle ne permet pas d'apprécier l'environnement dans lequel évolue la personne ; elle reste tributaire de l'artificielle séparation des personnes âgées handicapées et des personnes âgées vieillissantes, cela notamment à travers la ligne couperet de l'âge de soixante ans ».
Les préconisations du comité scientifique d'évaluation de l'autonomie sont éclairantes à cet égard (voir le tableau présenté dans le rapport). Le rapport présente ensuite les difficultés liées au découpage administratif à partir de tranches d'âge : la barrière des 20 ans, celle des 60 ans, qui imposent des orientations sur des critères excessivement administratifs dont la pertinence est remise en cause. Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (loi votée depuis ce rapport, en février 2005) doit remédier à ce dysfonctionnement profond qui fait qu'à 60 ans, une personne handicapée n'est plus handicapée ! elle est devenue une personne âgée...