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La relation fraternelle, une relation oubliée ?

Parmi les enfants placés une majorité a des membres de sa fratrie (ou l'ensemble de la fratrie) placés également.
Cette dimension de la fratrie produit sur le terrain des positions théoriques ou éthiques variées : pour une partie des intervenants il faudrait ne jamais séparer les fratries ; pour une autre partie, séparer les fratries tout en maintenant les liens peut être un moyen de protection, afin d'éviter que ne se rejouent dans la fratrie des liens familiaux pathogènes.
Par ailleurs le manque de places en foyer ou en placement familial impose en réalité de séparer les fratries trois fois sur quatre.

Dans mon expérience de terrain j'ai pu constater que quand les travailleurs sociaux s'occupent de faire exister une fratrie, c'est souvent dans des situations où les parents sont incapables de le faire.
On est donc alors dans la substitution et non la suppléance parentale.
Faire exister artificiellement une fratrie n'est pas sans risque.
Ainsi je me souviens d'une rencontre de fratrie dans laquelle sur sept enfants, tous placés, six avaient un vécu de fratrie, deux par deux, chaque paire ayant un père commun. Chaque paire était d'ailleurs placée dans un département différent, la mère étant en errance.
Mais il a tout de suite sauté aux yeux de tous que le septième enfant ressemblait beaucoup à sa sœur ainée. Les discussions entre ainés furent très traumatisantes pour le petit dernier, les plus âgés attestant que l'homme qui avait reconnu la sœur était probablement son père, ayant vécu avec leur mère jusqu'à la naissance..
Donc par une série de ressemblances, la fille ressemblant à son père et le frère ressemblant à sa sœur, la filiation parut vite évidente aux ainés.
D'autres révélations traumatiques eurent lieu pendant cette rencontre.

J'en ai retenu l'idée forte que des rencontres de cette importance se préparent et ne gagnent pas à être décrétées administrativement.

Régine Scelles, dans le texte cité ci-dessous, et faisant référence à Martinez (1999) souligne la nécessité, même si les enfants sont accueillis dans des familles différentes, d’organiser, lorsque c’est possible, des visites en fratrie autour des parents, ce qui permet à ceux-ci de rester le centre de la fratrie.
«Ce n’est qu’autour des parents reconus comme seuls rassembleurs, porteurs d’un projet familial, que les frères et soeurs peuvent s’identifier comme membres d’une même famille» Martinez p 126."

Je conseille vivement la lecture "d'Accueil des fratries, Analyse de l’expérience de professionnels travaillant dans le cadre des villages de l’Association SOS VILLAGES D’ENFANTS effectuée par Régine Scelles". Après un résumé des principales approches théoriques à ce sujet, cette recherche, d'une grande finesse clinique, montre toute la reflexion pour ajuster la place des éducatrices familiales et des parents.
L'étude montre de nombreux exemples et analyses de relations fraternelles aliénantes, perturbées mais insiste en conclusion sur un point important : "une remarque générale : si lors des rencontres, de nombreuses difficultés, voire des échecs, ont été évoqués en détail, rien de tel pour les cas de réussite. Nous retrouvons là, une des tendances des chercheurs, mais également des praticiens, à penser qu’il y aurait davantage à apprendre des souffrances, des difficultés que du bonheur et des réussites, ce que les travaux sur la résilience, évoqués plus haut, démentent."

L'ONED a aussi mis en ligne la thèse de Katherine de Beauregard: "Qualité de la relation fraternelle et adaptation psychosociale des frères et sœurs placés conjointement ou séparément en famille d'accueil."
Cette recherche débute par un excellent exposé des principales recherches sur le sujet. Le résultat de cette recherche est étonnant (les lecteurs pressés et curieux pourront aller directement page 121) mais au delà de ces résultats exploratoires je propose de retenir les cinq facteurs structurels proposés par K de Beauregard pour analyser les liens de fratrie :

  • le vécu fraternel avant et pendant le placement
  • la durée totale des placement et leur stabilité (déplacements)
  • leurs rencontres et séparations fraternelles en cours de placement
  • le fait que certains membres de la fratrie soient placés et d'autre non
  • ou encore que certains visitent leurs parents biologiques et d'autres non

Pour en savoir plus, voir le site web : www.oned.gouv.fr/appel-offre/qualite-relation-fraternelle-et-adaptation-psychosociale-freres-et-soeurs-places

Date de cet article : 2012-01-02


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